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"violences policières"

  • Il s'appelait Rémi Fraisse ...

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    J’étais avec Hugo samedi à la manifestation contre le barrage de Sivens. Une manifestation pacifique et festive du moins qui commençait comme tel. Nous avons dormi sur place, et le spectacle matinal de ces centaines de jeunes buvant un café, là devant une tente, là devant leur fourgon était tout a fait sympathique. Il est vrai que j’ai un faible pour ces jeunes impliqués et réfléchis qui ne connaissent pas les résultats du championnat de foot ni les tribulations de Nabilas mais qui savent qu’ils vivent sur un caillou sphérique qu’une poignée d’abrutis de l’hémisphère nord sont en train de détruire. Mais, je m’égare. Tout était déjà parfaitement organisé, toilettes sèches, buvette, chapiteau, podium pour débat et l'accueil d'artistes. Le temps était avec nous avec un soleil radieux et un air délicieusement doux.

    Pacifique, vous dis-je, était l’état d’esprit en arrivant en ce lieu. Il fallait cependant avaler sa salive avant de passer un fossé et une bute pour voir la désolation d’une forêt rasée. Le spectacle apocalyptique d’une vallée nue jonchée de branches et d’écorces d’arbres s’offrait soudain à nous, mais on devait rester pacifique même en écoutant le récit de ceux qui avaient tenté durant de longues semaines et toujours pacifiquement d’éviter ce désastre.

    Pacifique, en entendant la longue litanie des exactions et violences, commises par la maréchaussée. Cette armée censée maintenir l’ordre et faire appliquer la loi. La loi que des gens « démocratiquement élus » ont pondue.

    Pacifiques nous le restions en descendant le kilomètre qui séparait le lieu de la fête et le bas du futur barrage toujours sur ce tapis de bois déchiré et meurtri d’une forêt massacrée.

    Pacifique nous le restions à la vue des fourgons et des robocobs, CRS ce matin-là. Ils étaient là pour quoi, au juste ? Pour protéger quoi ? Pour maintenir l’ordre où ? Devant eux, un kilomètre de désolation derrière eux le reste de la forêt de Sivens que des chasseurs en treillis comme eux devaient sans doute sillonner. Non, ils étaient là pour rien et parmi eux l’assassin de Rémi Fraisse.

     

    Pour se faire une idée des violences subites par ces jeunes occupants de la ZAD de Sivens durant plusieurs semaines.

     

    ZAD du Testet - 29 septembre 2014 from Tv Bruits on Vimeo.

     Des semaines de violences gratuites, faciles et à la limite du sadisme perpétré par ces fonctionnaires, certes obéissant à des ordres de leur hiérarchie et du préfet, lui-même représentant de l’état et de ses élus qui ont voté ce projet de barrage. Socialiste, UMP sans doute et peu importe, car ceux qui ne l’ont pas voté n’étaient pas là non plus au moment des violences, mise à par des passages éclairs de quelques élus verts. Ils étaient dans leurs hémicycles, dans leur dorure et pour certains dans leur or. Des semaines, des mois et des années que les opposants aux barrages dénoncent le désastre écologique de ce projet, son caractère inutile et couteux. Exactement ce que le rapport d’enquête d’experts demandé par Ségolène Royal affirme depuis hier avec en plus la dénonciation d’un projet mal financé. On a rasé une forêt pour satisfaire les appétits d’élus toujours en mal de réélection auprès d’agriculteurs productivistes et pour leur maïs potomane. On s’est pressé de couper ces arbres pour toucher en catastrophe, mais en vain des fonds européens si les travaux étaient terminés avant le 30 juin 2015. Financement qu’il n’aurait de toute façon pas obtenu, car ces fonds européens ne peuvent pas servir à l’augmentation de la surface d’irrigation.

     https ://france. attac. org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/barrage-du-testet-un-projet

     Des coups, des blessures, des humiliations sur des jeunes soucieux de l’avenir de la planète. Des jeunes héroïques en somme. Mais , si vous les croisez, ne les appelez pas citoyens ce serait leur faire injure. Ne leur parlait pas de démocratie représentative , ils pourraient devenir nerveux, ne leur parlait pas de justice, de liberté, d’égalité ou de fraternité républicaine ça les ferait pleurer. Pleurer en pensant à Rémi 21 ans assassiné dimanche par un fonctionnaire de l’état, mais aussi en pensant aux centaines d’autres jeunes malmenés et blessés parfois gravement dans des manifestations pacifiques à Notre Dame des Landes où durant l’hiver 2011-2012 lors des rassemblements des indignés à la défense à Paris ou partout en Europe contre les grands projets inutiles. Ce ne sont pas des « anarchistes » cagoulés comme se régale de dire la presse, car ceux-là savent se protéger contre les armes dites non létales que sont les flashballs et grenades assourdissantes. Rémi ne savait pas, Rémi n’était pas là pour se protéger de quiconque, il n’était pas là pour mourir pour des idées. Il a été exécuté simplement par un gendarme ou un CRS.

    À présent revenons en aux faits tel que je les ai vécus :

     Samedi vers 16h une cinquantaine de radicaux cagoulés déboulent à proximité des CRS et les provoquent. Gaz lacrymogène et détonations vont bientôt faire fuir les quelques oiseaux du secteur. Les yeux piquent déjà à deux-cents mètres des affrontements entres cent-cinquante robocops hyper équipés et armés, défendant un camp vide, ne protégeant rien de précieux que la fierté de leurs chefs, et une cinquantaine de cagoulés auquel s’étaient mêlés à leur insu de leur plein gré au moins quatre petits fachos tout a fait identifiable (ça je pense en être le seul témoin, mais je l’ai vu, pourquoi je ne le dirais pas ?)

    Vers 18h, je participe avec Hugo à une chaine pacifique qui va se positionner devant les flics formant un rideau joyeux. Les flics sont nerveux, mais nous semons des graines de non-violence à leurs pieds. Ça chante, rie et plaisante. L’atmosphère se détend à tel point que les CRS reculent. Il n’y a plus de tir de lacrymogène, les cagoulés n’osent pas intervenir en notre présence.

    De cet instant la vie de Rémi aurez pu être sauvé si les flics avaient eu l’intelligence de partir, d’embarquer sous notre protection, de débarrasser le plancher pour que la fête continue et que les cagoulés énervés viennent danser, boire, fumer et chanter avec nous, fautes de Romains à castagner. Il n’en a pas été ainsi. La chaine pacifique s’est peu à peu disloquée pensant le calme revenu. Les combats ont repris une heure plus tard. À deux heures du matin, Rémi est mort assassiné par des flics bornés et imbéciles.

    Samedi en retournant dans mon fourgon vers 20h, j’ai entendu un jeune « bien comme il faut », comme aurait dit la Sénatrice cruche maire de Mus au vu de ses cheveux gominés et de sa chemise soignée. Il a dit calmement :

    — Quand on voit ces flics ça donne envie de revenir la prochaine fois mieux équipé.

    Mieux équipé… Cagoulé peut-être.

    Christian MARTIN

    Reportage en image :

    https://www.flickr.com/photos/guymasavi/sets/72157648929593586/show/