La République, ses bâtisseurs et ses fossoyeurs…
Si je n’étais pas professeur, si je n’avais pas vu ce matin le Directeur de l’école où je travaille s’adresser aux élèves en prenant sur les épaules cette responsabilité d’être, pour toute notre communauté scolaire, le représentant de la République, j’aurais sans doute pensé, comme beaucoup, qu’elle n’est plus – cette République - qu’ une vieille statue, un totem, que l’on acclame par intermittence, que l’on convoque aux décorations des corrompus et aux enterrements des innocents.
Car, à l’heure où ses ennemis traditionnels les plus opiniâtres se sont permis de lui voler son nom, à l’heure où son président ne se tourne vers elle – à travers le parlement - que pour s’octroyer davantage de pouvoir et détourner jusqu’à la raison d’être de notre Constitution, à l’heure où des ministres de cette République, en voyage à l’étranger, insultent leurs compatriotes syndicalistes, à l’heure où le peuple est exposé à la violence d’une société qui ne répond plus qu’aux impératifs de l’actionnariat, à l'heure enfin ou le suffrage même s'est vidé de toute promesse, A cette heure donc, nous sentons bien que nous serons bientôt conviés à défiler sous des badges et que d’aucun diront opportunément: "Regardez cette foule! c’est
l’égalité la liberté la fraternité!"
Mais nous savons bien que cette foule est un masque d'apparat et qu’elle cache une société où il est difficile de faire vivre ces valeurs de la République. Avant, donc, que le masque ne tombe - et il tombera car nous nous lasserons des slogans et des défilés à force de compter les morts - voyons ce que nous pouvons faire pour que ce qu’il cache aujourd’hui n’aie pas, demain, le visage hideux de la haine. J’emprunte la grandiloquence romantique d’un Victor Hugo car beaucoup de politiques aujourd’hui me semblent petits quand la République se nourrit de grandeur.
Heureusement, quand, ce matin, le Directeur a parlé aux enfants de liberté, d’égalité et de fraternité, j’ai vu la République se bâtir et il y avait de la grandeur dans cette cérémonie. Cette cérémonie où le seul véritable mensonge ne fut dit que par l’impérieuse nécessité de laisser aux enfants leur enfance.
Vendredi, Daech nous a frappés, et quand les petits fonctionnaires n’ont pas tremblé les autres ont fait vaciller tout l’édifice en voulant changer rien moins que la Constitution même de notre République. Beau cadeau pour des terroristes! Où donc est le courage, où donc est le travail à mener où donc est la grandeur dont la République a tant besoin?